Analyse du Sandokai

謹進觸承事萬明當當本然眼火四闇色迴門執靈人竺 石
白歩目言存物暗暗明未於色熱大合本而門事源根土 頭
參非不須函自各中中須一耳風性上殊更一元明有大 參
玄近會會蓋有相有有歸一音動自中質相切是皎利仙 同
人遠道宗合功對明暗宗法聲搖復言像涉境迷潔鈍心 契
光迷運勿理當比勿勿尊依鼻水如明聲不迴契枝道東
陰隔足自應言如以以卑根香濕子明元爾互理派無西
莫山焉立箭用前明暗用葉舌地得清異依不亦暗南密
虚河知規鋒及後相相其分鹹堅其濁樂位迴非流北相
度故路矩拄處歩睹遇語布醋固母句苦住互悟注祖付

SANDOKAI

L’esprit du grand sage indien
s’est transmis mutuellement,
intimement, de l’ouest à l’est

Dans sa nature ordinaire,
l’humain discrimine,
il crée l’acuité ou l’ignorance
mais dans la Voie,
il n’y a ni patriarche du Nord,
ni patriarche du Sud.

La source spirituelle brille dans la lumière
Mais les effluents coulent dans l’obscurité

Reconnaître l’illusion dans les phénomènes,
n’est pas encore la réalisation spirituelle de l’Éveil.

Les sens et leurs objets
s’interpénètrent et ne s’interpénètrent pas
s’ils le font, il y a rencontre harmonieuse
sinon chacun reste sur sa position.

L’essence de tous les objets visibles possède selon chaque objet des qualités et des images différentes.
Le son de la voix change selon qu’il exprime la joie ou la souffrance.
Dans l’obscurité le haut et le bas se confondent,
Dans la lumière la pureté et la souillure se distinguent.

Les quatre éléments retournent à leur nature
tout comme l’enfant se tourne vers sa mère.

Le feu chauffe, le vent bouge,
L’eau mouille, la terre est solide.
Pour l’œil les visions, pour l’oreille les sons,
Pour le nez les odeurs, pour la langue les saveurs.
Toutes les existences
Comme les feuilles des arbres
Sont alimentées par les racines.
L’origine et la fin se rejoignent dans la vacuité.
Noble ou vulgaire, à votre guise!

Dans la lumière existe l’obscurité,
Ne la prenez pas pour de l’obscurité.
Dans l’obscurité existe la lumière,
Ne la regardez pas comme lumineuse.

Lumière et obscurité
Créent une opposition
Mais dépendent l’une de l’autre
Comme le pied avant et le pied arrière dans la marche.

Tout ce qui existe
A son utilité.
Usez en comme il convient.
Phénomènes et essence s’ajustent
Comme la boîte et le couvercle,

Comme la rencontre de deux pointes de flèches.
Entendant ces mots
Comprenez le sens
Sans entrer dans vos conceptions personnelles.

Si vous ne comprenez pas
La Voie qui se trouve sous vos pied
Comment saurez-vous
Où vous marchez?

En avançant
Il n’est pas question
De proche et de lointain.
Mais dans la confusion
Montagnes et rivières
Barrent la route.

Vous qui étudiez le mystère de la Vie
Je vous en prie,
Ne gâchez pas le temps en vaines recherches
ou en vous diluant dans des doctrines illusoires.
Tout est ici et maintenant.

Le texte du Sandokai fut rédigé par Sékito, la tête de pierre, 700-790. Ce poème est l’essence et la synthèse du Zen.


Sandokai

L’harmonie entre la différence et l’égalité
ou
L’essence et les phénomènes s’interpénètrent,
ou
Fusion de la différence et de l’identité

**L’hémisphère gauche crée la différence, l’hémisphère droit va au delà des différences et il les harmonise en une seule vision authentique.


L’esprit du Grand sage indien
s’est transmis mutuellement,
Intimement, de l’Ouest à l’Est


L’enseignement du Bouddha fut transmis de l’Inde à l’Extrême-Orient et maintenant nous pouvons ajouter, de l’Est à l’Ouest : de l’Orient vers l’Occident. Dans les deux cas, la transmission se fait selon un réseau oral, de maîtres à disciples et elle s’appuie sur l’expérience spirituelle de Siddhārtha Gautama ou en japonais Shakyamuni l’unique des Shakyas. Les Shakyas étaient le clan des guerriers, au  deuxième rang dans la hiérarchie des castes sociales indiennes. La première étant les Brahmanes, les prêtres et la dernière, les intouchables.

À l’instant de son illumination, le Sage Shakyamuni pris conscience que la conscience humaine était en symbiose avec la Conscience cosmique. Cette vision intuitive fut une authentique révélation de l’esprit.

Il consacra sa vie à enseigner une méthode pour aider les humains à parvenir eux aussi et par leur propre volonté à cet épanouissement spirituel.

Il fut « le doigt qui pointe vers la Lune ». Les maîtres n’imposent aucune vérité, ils montrent la voie vers l’Éveil.

En japonais cet éveil se nomme « Satori », l’éveil à la globalité du Cosmos. Le Satori n’est pas une conclusion intellectuelle mais une intuition sur la globalité de l’individu face à la Vie, à la Mort et à l’Univers.

Le mot « bouddha » (buddha en sanskrit et en pāli) n’est pas un nom de personne, pas un nom propre. C’est une épithète, un adjectif, le participe passé substantivé du verbe sanskrit BUDH-, budhyate, signifiant notamment « s’éveiller, se réveiller, reprendre connaissance, observer, reconnaître, comprendre » et aussi « éveiller, réveiller, ranimer, faire observer, attirer l’attention, faire comprendre, informer, conseiller ».

Selon la tradition bouddhiste Zen, l’enseignement de Shakyamuni arriva en Chine, soit de l’Ouest à l’Est, avec le moine Bodhidharma, en  japonais : 達磨 Daruma) moine bouddhiste Tamoul originaire du sud de l’Inde, et le fondateur en Chine de l’école Chan; courant contemplatif (dhyāna) du Mahāyāna, devenue au Japon l’école Zen. Dans le « Nouveau recueil de biographies des moines éminents » Daruma arriva en Chine durant la dynastie Liu-Song, (420–479), opinion retenue par la majorité des spécialistes, mais « L’anthologie de la salle du patriarche »  situe sa venue sous les Liang (502–557). Toutes les sources s’accordent pour situer l’essentiel de son activité dans le royaume des Wei du Nord.

À partir de Daruma, le Zen fut traduit du sanscrit au Chinois et de ce fait développa une  démarche particulièrement chinoise. Cette vision fut diffusée  dans tout l’extrême Orient. Au Japon, le Zen fut renouvelé par Hui-neng, Yeno en japonais, né en 638 et mort en 713. Dès le 8e siècle, l’œuvre de Hui-neng, « Le sermon du Sixième Patriarche » occupait une place éminente dans le Zen. Aujourd’hui, le Zen pénètre de plus en plus en Occident et une autre transformation est en voie d’adapter l’enseignement de Sakyamuni. Depuis une cinquantaine d’années, de nombreux moines Zen sont venus s’installer en Europe et en Amérique et diffuser l’enseignement du Zen. Le temps fait en sorte que cet enseignement, déposé dans un terreau différent, est en voie de croître, de prendre la saveur et les couleurs culturelles de l’Occident. Le Zen est au delà du culturel, il plonge dans l’hémisphère droit de l’individu, dans son intuition créatrice et spirituelle. Le Zen casse toutes les conventions sociales. En fait le bouddhisme remet tout en question.

Maître Taisen Deshimaru  déclare que si nous souhaitons accéder à l’essence du bouddhisme, le Satori, nous devons impliquer notre corps entier dans notre quête, et pas seulement notre cerveau. L’enseignement du Kobudo exige que l’individu implique son corps et sa conscience dans la pratique de sa discipline. Le Kobudo se transmet mutuellement et intimement entre le professeur et l’élève. La quête du disciple n’est pas d’atteindre la performance technique, mais  par la pratique d’une discipline unifier son outil de pratique, son corps et sa conscience en UN, lui ouvrir l’expérience de l’esprit du Bouddha et transcender la peur de la mort : acquérir le lâcher prise du guerrier.

Dans cette démarche, l’individu occidental n’est pas tenu de s’adonner aux rituels Zen, Le Zen n’est pas une religion, mais une démarche spirituelle qui donne des outils psychologiques afin de permettre une libération de la conscience individuelle.


Dans sa nature ordinaire,
l’humain discrimine,
il crée l’acuité ou l’ignorance
mais dans la Voie,
il n’y a ni patriarche du Nord,
ni patriarche du Sud.


« L’enseignement de tous les bouddhas existe dès l’origine dans notre propre esprit. Chercher l’esprit sans notre propre moi c’est comme si l’on s’enfuyait loin de son père » Maitre Zen Jinshou École Zen du Sud

Il y a chez l’humain dans son état naturel  une façon de percevoir la réalité. L’État de l’éveil, le Satori n’est pas une acquisition comme si l’on compilait l’acquisition de techniques, de kata ou la mémorisation d’un grand nombre de soutras bouddhistes. Toute cette acquisition n’a aucun effet sur notre réalisation personnelle. Bien au contraire, si cette accumulation devient pour nous un outil de fierté et de satisfaction, nous plongeons dans l’abime de l’ignorance. Nous nous mettons plus de poids sur le dos. Au lieu de nous libérer, nous nous attachons d’avantage à notre ignorance. Nous nous mettons une autre tête par-dessus la nôtre!

Dans le bouddhisme, l’ignorance n’est pas un manque de connaissance, mais un trop plein de notions erronées. Ces notions influencent notre perception et notre compréhension du monde. L’individu ignorant est convaincu que ce qu’il perçoit est la réalité ou la « vérité » et ne ressent pas le besoin de la remettre en question. Cette conviction est ce qu’il y a de plus perfide dans l’esprit humain. Un esprit éclairé ou même sensible, va intuitivement remettre en question toutes les valeurs déversées dans son esprit par les establishments communautaires, religieux et d’éducation.

Dans le kobudo l’ignorance est de s’attacher à la performance technique, à chercher la victoire et se laisser éblouir par l’esthétique technique ou attacher trop d’importance à la réputation. La gratification pervertit la discipline et contamine l’esprit de celui qui se nourrit de grade et de trophées. Dans l’étude du kobudo, la démarche doit se poursuivre avec patience et ouverture d’esprit. Aucun maître ne possède la « Vérité », il ne peut transmettre que son expérience et son cheminement.

Shakymuni  dit :
« Ne croyez rien sur la foi des traditions, alors même qu’elles sont à l’honneur depuis de longues générations, et en nombre d’endroits. Ne croyez pas une chose parce que beaucoup de gens en parlent. Ne croyez pas sur la foi des sages. Ne croyez pas ce que vous vous êtes imaginé, vous persuadant qu’un dieu vous l’a inspiré. Ne croyez pas sous la seule autorité des maîtres ou des prêtres. Après examen, croyez ce que vous avez expérimenté vous-mêmes, et reconnu raisonnable. »

« Agissez comme les joaillers qui examinent l’or en le martelant, en le coupant, en le vérifiant de différentes façons. Voyez si cet or est vrai ou faux en le chauffant. Exactement de la même manière, ne croyez pas, n’acceptez pas mon enseignement simplement parce que vous avez du respect ou de l’amour envers moi. Ce n’est pas une raison suffisante pour croire en mon enseignement. »

 « Soyez votre propre flambeau!
L’être éveillé questionne tout, alors que l’ignorant croupi sous un amas de perceptions erronées sous lesquelles on l’a enseveli au cours de son existence. »

L’élève de « kobudo » débute dans la Voie en remettant tout en question. Il doit réapprendre à respirer, à marcher, à sentir ses déplacements et à apprendre à apprivoiser une arme… Sur le plan spirituel, l’élève doit explorer la relation entre la conscience, l’arme et le corps. Une symbiose doit s’élaborer s’il veut faire l’expérience de la Réalité et s’engager dans la Voie de l’Éveil. Dans un affrontement avec les armes en main, celui qui remportera le combat est celui qui est capable de ressentir les intentions de son adversaire. L’habileté technique ou la tradition martiale de l’école sont secondaires si l’adversaire saisit intuitivement l’attaque que vous allez déclencher. Cette perception intuitive est au niveau de l’hémisphère droit.

Dans l’hémisphère droit les opposés s’évanouissent, seule se manifeste l’instant décisif, entre la mort ou la victoire. L’invisible est perçu par l’hémisphère droit.

Les différentes traditions bouddhistes ne sont que des approches variées pour accéder à une même expérience spirituelle. La diversité des individus appelle des méthodes et des façons différentes de cheminer sur la Voie. Certains préfèreront la voie monastique, d’autres les voies martiales, d’autres les arts esthétiques ou d’autres le quotidien dirigé vers un épanouissement spirituel. Chacun choisit la voie qui lui convient. Dans la Voie, les écoles sont sans importance.

La Voie du Bouddha est Une. Les étiquettes, Zen, Tendai, Shingonshu, Soto, Rinzai, nord ou sud sont arbitraires et elles n’ont aucune influence sur la qualité du Satori. Si l’on comprend l’enseignement du SANDOKAI, on transcende les particularités des écoles pour faire l’expérience de la totalité : le Satori.


La source spirituelle brille dans la lumière,
mais les effluents coulent dans l’obscurité.


La source qui jaillit dans la lumière est le résultat d’un long parcours souterrain, dans l’obscurité et dans la froideur des profondeurs. L’Inconscient nourrit la conscience, et la conscience saisit la luminosité de l’inconscient. L’eau de surface, retourne dans les profondeurs de la terre pour se purifier. Quand on boit l’eau de cette source qui jaillit, on ne réfléchit pas sur le parcours de cette eau; la fraicheur de cette eau dans notre bouche éponge notre soif et nous  procure une grande joie. Le moment présent : ici et maintenant! Si cette eau pure, à l’origine de son apparition à l’extérieure, est contenue dans un récipient, qu’elle cesse de couler, elle perdra rapidement sa pureté. La Vérité emprisonnée dans des textes perds de son énergie vitale. Le Zen coule à travers les siècles et se renouvèle constamment, comme l’eau de la rivière. Chaque fois que l’on plonge ses mains dans le courant de la rivière nous y puisons une eau renouvelée et fraîche.

On demandait à un maître Zen, qu’est-ce que le Zen? Il répondait alors « Montre moi le visage que tu avais avant de naitre de tes parents ».

En d’autres mots « Dans quel état  était ta conscience avant que l’on commence à y entasser des idées, des mythes et des croyances? ». La conscience de l’enfant est en harmonie avec la Vie. Pour accéder à cette conscience, il est inutile d’accumuler des connaissances intellectuelles, mais de nettoyer la place et ne conserver que ce qui correspond à notre lumière. Le sage des chrétiens, Jésus disait « il fallait redevenir des enfants ». Si nous souhaitons accéder à notre pleine conscience comme les enfants nous devons conserver une attitude d’ouverture sur la Vie. Pour connaître l’Univers, il y a les études, mais pour faire l’expérience de cet Univers l’outil est l’intuition et l’hémisphère droit. Aucun texte dit « sacré » ou dogme religieux ne peut vous révéler cette intuition spirituelle.

Dans une situation de combat, le secret pour gérer la situation en notre faveur est de ressentir l’adversaire. Pour ce faire, il faut abandonner toute intention de velléité dirigée contre l’adversaire. Il faut s’ouvrir à lui et l’englober dans l’environnement qui nous pénètre de toutes parts. Cet accueil fait en sorte que mon inconscient se porte à l’écoute de l’autre. Cette symbiose me révèle les intentions et le moment où l’autre passera à l’action. Si nous adoptons une position rigide contre lui, nous nous concentrons sur lui, nous nous refermons, nous l’isolons de notre environnement et nous ne le ressentons plus. Il est alors en position pour nous vaincre. Pour qu’un arbre puisse donner des fruits en pleine lumière, l’arbre doit plonger ses racines dans les profondeurs de la Terre. Lumière et obscurité nourrissent la même réalité soit le fruit.


Reconnaitre l’illusion dans les phénomènes,
n’est pas encore la réalisation spirituelle de l’Éveil.


Les phénomènes sont l’essence (le vide) et l’essence n’est autre que les phénomènes. Harmoniser la conscience individuelle et la conscience Cosmique.

Tous les phénomènes proviennent d’une cause. Cause impersonnelle tenant à la nature même des choses. Toutes les manifestations de la matière, de la vie et de la conscience sont le résultat d’une chaîne de causes. La matière est un agrégat d’éléments qui se regroupent pour former les différentes facettes de la matière. Il en va de même de la vie, qui débute par une simple cellule et qui regroupe d’autres cellules pour former des tissus, des organes, des structures et un organisme vivant. L’organisme vivant va se complexifier à travers ses expériences de vie et donner naissance à des individus plus expérimentés. Les formes de vies se diversifient et leur organisme se complexifie. Plus les agrégats vivants se complexifient plus ils évoluent. Puis vient le moment ou l’organisme vivant a atteint la limite de son évolution organique et qu’il doit aller plus en avant et passer à une autre étape de l’évolution. Sa complexité est dont prête à accueillir la conscience. La Conscience Cosmique peut donc se manifester dans ces nouveaux organismes vivants. La Conscience humaine est aussi un agrégat d’éléments compilés par les sens, les mémoires, les émotions, les expériences, les observations, les instincts, l’intellect et les intuitions.

La science nous confirme que l’individu est un agrégat de particules, des cellules aux cordes quantiques d’énergie. De plus, cet individu est aussi la somme de ses sens, de ses expériences à travers ses sens, ses émotions, ses peines, ses joies, ses réflexions, ses idées et ses convictions. Si vous, séparez tous ces éléments, où est l’individu?

« L’Individu est un pantin manipulé par les cordes quantiques. »

Notre univers, l’Univers et par déduction, tous les autres Univers dont parle la physique quantique sont impermanents et en perpétuels changements. Tout ce qui existe dans ces Univers est aussi impermanent et en changement perpétuel. Rien, rien n’est immobile, immuable et éternel. Tout est en changement et donc illusion. Mais reconnaître que l’illusion gouverne nos perceptions est rationnel mais n’apporte aucune expérience de l’Éveil spirituel. Espérer faire l’expérience de l’Éveil spirituel à travers les livres est comme étudier le chant des oiseaux sur des modèles empaillés.

Même quand nous comprenons la relation de l’humain et de l’Univers, les mécanismes naturels qui trompent notre perception et qui créent l’illusion d’un monde solide et immuable, nous n’avons pas encore saisi le sens profond des choses. Une seule vérité : tout est impermanent et en perpétuel changement. Nous savons sans comprendre. Même si nous finissons par comprendre, c’est à dire avec notre hémisphère gauche, ce n’est pas encore le « Satori ». Il ne suffit pas de connaître tous les secrets de fabrication d’un  grand Vin, il faut y goûter pour en faire connaissance. Faire connaissance avec la Vie et l’Univers est le Satori. Après tout est dit.

La science nous explique que si nous plongeon dans une rivière ou dans un étang d’eau les molécules d’eau se séparent afin d’envelopper notre corps, puis, nous avançons en nous servant de la résistance des molécules. Nous faisons ici une analyse rationnelle d’une situation. Il n’y a rien de romantique dans une telle perception et rien d’incitant à plonger. Mais, par une journée très chaude, cette expérience devient sublime et rafraichissante. Le Zen, c’est pour moi cet instant de bonheur qui nous rappelle la joie d’être vivant et pouvoir sentir ce moment présent et exubérant où tout notre être baigne dans une mer de fraîcheur.

Faisant face à l’ennemi, sabre dégainé et pointant la lame dans sa direction, le cerveau entre dans un état de stress; il est conscient que la mort peut-être une conséquence de s’engager dans un affrontement. L’hémisphère gauche se déchaîne, il veut tout analyser et trouver la meilleure technique ou la meilleure stratégie.

Toute cette activité cérébrale est stimulée par la perception des sens et l’imagination qui s’active en désordre. À la base de cet état chaotique est la peur de la mort. Le bouddhisme vous dira que cette peur a pour base l’ignorance qui conditionne nos perceptions. Si le cerveau a bien apprivoisé la mort, l’individu va couper la communication avec l’hémisphère gauche, entrer dans le moment présent et laisser l’hémisphère droit gérer la situation. C’est le lâcher prise.

Son hémisphère droit va s’ouvrir à l’ennemi sans aucun sentiment de velléité et ressentir les intentions de son vis à vis. Dans un état d’esprit d’ouverture, l’individu fera « awaseru » avec son adversaire. Dans un tel moment de symbiose, l’adversaire ressentira inconsciemment qu’il n’est pas en position de gagner cet affrontement; dans ce cas il rengainera et quittera. Ou bien, votre inconscient fera en sorte qu’au moment de l’attaque, votre inconscient vous permettra d’aller arracher le sabre des mains de l’adversaire. On appelle cette technique : Muto, c’est à dire « sans sabre ».


Les sens et leurs objets
s’interpénètrent et ne s’interpénètrent pas
s’ils le font, il y a rencontre harmonieuse
sinon chacun reste sur sa position.


Les sens sont les portes d’entrées de notre être. Nos sens, incluant notre « esprit » nous révèlent le cosmos, et le Cosmos nous révèlent à nous même. En dehors du « awaseru » avec le Cosmos, chacun reste sur sa position, mais pourtant s’interpénètrent dans les profondeurs de la Vie. L’Univers est une gigantesque toile fabriquée de fibres cosmiques. La psychologie moderne nous parle de Perceptions conditionnées par notre éducation et des valeurs que l’on nous a transmises. Notre perception du monde est conditionnée depuis notre plus tendre enfance. Ce conditionnement teinte notre vision du monde. Le « Satori » nous révèle le monde dans ses couleurs véritables.

Nos sens, la vue, l’odorat, le goût, le toucher, l’ouïe et la conscience travaillent à l’unissons pour nous mettre en contact avec le monde et nous aider à le comprendre. Mais nos sens sont limités, si nous les comparons à ceux des autres espèces animales et de ce fait nous avons une idée approximative de l’Univers. Avec le développement de la technologie, nous avons compensé la déficience de nos sens et avec le temps corrigé notre regard et notre rapport avec l’Univers. L’Univers est une rencontre de lumière, de sons, de vibrations et de tous les éléments qui forment la Vie.

L’individu est issu du Cosmos et le Cosmos prend conscience de lui-même à travers la conscience de l’individu. Mais chacun demeure sur ses positions.

Le Sage doit toujours remettre en question la réalité des choses, car tout l’Univers est en perpétuel changement. Rien n’est permanent, tout est en changement. Le Satori, l’Éveil nous révèle cette réalité qui terrorise l’ignorant.

Dans la pratique des kata, l’élève est conscient que son arme et lui son des entités indépendantes. Quand l’arme et l’élève s’interpénètrent, ne font qu’un, l’élève expérimente alors la symbiose à un niveau primaire. Par la suite, il expérimente la même démarche quand il pratique avec un partenaire. Tous les sens sont en plein éveil. L’idée est d’entrer en symbiose avec celui qui nous fait face… On dit alors « awaseru ». Dans un mouvement graduel, du centre vers la périphérie, la conscience et l’inconscient se déplacent du sabre vers l’adversaire puis vers le vaste environnement et l’Univers. L’élève étend sa conscience et agrandit son champ de perception. Le mouvement qui pousse les atomes l’une vers l’autre, qui contribue à la complexification de la matière, de la vie et de la conscience, ce même mouvement pousse l’individu vers une réalisation plus complète de son être. Dans le  « Kobudo » le chaos, le désordre et l’agressivité doivent être gérés et dissiper leurs effets en évitant la riposte mortelles. Au cœur du conflit, réorganiser l’harmonie. Dans une situation qui donne des signes de début de conflit, le maître fait en sorte qu’il ne donne aucun espace pour que puisse éclore une situation de désordre. Dans une telle situation, les esprits vont peu à peu se calmer, et l’harmonie va reprendre sa place.


Les formes visibles
peuvent être agréables ou repoussantes.
Le son de la voix varie,
selon qu’il exprime d’abord
la joie ou la souffrance.
Dans l’obscurité
Le haut et le bas se confondent,
Dans la lumière
La pureté et la souillure se distinguent.


Le monde dans  lequel  nous nous éveillons et nous nous déplaçons est un monde de formes et de sons. Notre conscience se saisi des formes et des sons et elle se crée un monde de connaissance et d’émotions. La science quantique nous révèle que l’Univers est une construction de « cordes d’énergie, qui vibrent à différentes fréquences et qu’elles donnent naissance à la matière sous toutes ses formes. ». L’Univers entier est une construction et que nous sommes une construction de Matière, de Vie et de Conscience. Retirer un de ces trois éléments et nous n’existons plus. Comme dans la vision antique, retirons un des éléments et le monde s’évanouit. Car ces éléments sont aussi à la basse de la Matière, de la Vie et de la Conscience.

Le Kiai, le cri poussé lors de l’entraînement ou lors du combat, porte dans sonorité l’empreinte psychologique de la conscience qui l’exprime. Un maître avisé est capable de suivre le progrès spirituel de son disciple en écoutant son « kiai ». Le moment précieux pour l’élève est l’instant où le sabre, le corps et le cri s’interpénètrent, deviennent « Un » : Ki-Ken-Tai no Ichi.

L’élève de Kobudo  espère réussir le KI-Ken-Tai no Ichi : symbiose parfaite de la conscience, du sabre et du corps. Les trois éléments fusionnés en un. En un instant, l’individu n’a plus de forme ni conscience de tenir un sabre et ni de corps. Toute sensation agréable ou désagréable s’évanouit. La conscience occupe tout l’espace. Dans la Lumière de cet instant, la conscience saisit qu’elle n’est pas l’individu mais un rayon de la conscience de l’Univers qui anime l’individu.


Les quatre éléments retournent à leur nature
tout comme l’enfant se tourne vers sa mère.


Notre monde est une rencontre des 4 éléments; Terre, Métal, Feu et l’Eau. Chacun de ces éléments est un ensemble de particules, leur différenciation n’est que fonctionnelle et pratique. Dans la réalité quotidienne les éléments nous créent un décor où nous vivons et nous nous déplaçons. Mais, la Connaissance intellectuelle nous informe que derrière ce décor il y a un agrégat de particules d’énergie et de matière qui est un produit du Cosmos. La Sagesse nous révèle que nous sommes cette matière, cette énergie et cette conscience. Je suis fais de poussières d’étoiles et mes atomes ont donné naissance au Bouddha.

La Conscience de l’individu est une synthèse des activités des sens, des activités  émotions, des mécanismes de la pensée et de toutes les images reçues ou créées durant nos réflexions.

Au moment Ki-Ken-Tai no ichi, le sabre, la Conscience et le corps sont unifiés dans une moment de parfaite symbiose; il n’y a plus de Ki, plus de Ken et plus de Tai; il n’y a que la globalité, sans limite et sans nom. L’inconscient se révèle à la Conscience.

La conscience humaine retourne à sa source : La Conscience individuelle fusionne avec sa mère la Conscience Cosmique… Après le combat, après avoir côtoyé la mort, le guerrier retrouve la paix de la Vie.


Le feu chauffe, le vent remue,
L’eau mouille, la terre est soutient
Pour l’œil les visions, pour l’oreille les sons,
Pour le nez les odeurs, pour la langue les saveurs.
Toutes les existences
Comme les feuilles des arbres
Sont alimentées par les racines.
L’origine et la fin se rejoignent dans la vacuité.
Noble ou vulgaire, à votre guise!


Notre environnement est baigné dans les énergies des saisons et de toutes les forces qui vibrent dans la Nature. Nos sens nous mettent en contact avec un monde illusoire et qui est en constant changement. Notre œil ne peut pas se percevoir, et pourtant quand il porte son regard sur le monde, le monde peut séduire notre conscience ou forcer notre conscience à regarder derrière les apparences. Dans le bouddhisme, on parle de la Vue juste qui est la Sagesse. La Sagesse nous guide sur la voie Juste, au-delà du conflit qui naît dans les opposés. Que ce soit le noble ou le gueux la conscience est au de-là de cet artifice.

Nos existences sont un agrégat de toutes les informations que nous donnent nos sens. Ces informations prennent la forme, les couleurs, la saveur et les dimensions qui sont particulières à notre psyché. Si nous portons des lunettes roses, toutes les couleurs véritables du mode seront teintées de rose et donc faussées.

L’apprentissage du guerrier vise à se détacher de tout ce qui peut lui nuire dans un combat décisif ou dans la vie. Il doit laisser couler sur lui la peur de la mort, les émotions de haine, les passions et se sentir calme et serein au cœur des orages et des intempéries. La conscience regarde au-delà de la vie et de la mort; en Zazen, il n’y a plus de Vie, plus de mort, seulement la conscience d’être sans limites et partout. Après le Zazen, cette expérience nous révèle un autre visage de l’existence. Il n’est pas nouveau, mais nous venons de le découvrir en faisant l’expérience du Ici et maintenant.

On demanda à un maître Zen d’exprimer la Vie et la Mort. Il saisit son pinceau et traça un cercle. En pointant de son index le cercle il dit : « Dans l’univers infini, la Vie et la Mort cohabitent! Rien à l’extérieur! »


Dans la lumière existe l’obscurité,
Ne la prenez pas pour de l’obscurité.
Dans l’obscurité existe la lumière,
Ne la regardez pas comme lumineuse.


Avec la Naissance naît la mort. La Vie cohabite avec la Mort. Ceci dit, celui qui reçoit le privilège de naître doit accepter que ce privilège soit temporaire. Rien n’est éternel, même l’Univers. Ne laissez pas l’idée de la Mort obscurcir la joie d’avoir bénéficié d’une telle chance.

Le Monde que nous percevons selon l’Hémisphère gauche est fragmenté en temps linéaire, ayant un passé, un présent et un futur; il est une construction de nos perceptions, de nos croyances, de nos connaissances et de nos erreurs. Nous avons une fois aveugle en notre raison et notre logique, alors que la Sagesse nous enseigne que le monde est plus, beaucoup plus. Nous vénérons notre raison, comme le gueux qui tient à sa besace! Le chien du savant a une plus grande expérience du Monde que son pédant maître. Et pourtant il ne s’en vente pas, et il demeure fidèle, serviable et dévoué à son ignorant compagnon bipède. Raison et intuition doivent nous éclairer et disperser l’obscurité de l’ignorance.

La pratique du « kobudo » vise à établir consciemment le lien entre l’hémisphère gauche et l’hémisphère droit.

Il est dit que l’œil observe ce qui est visible chez l’adversaire et que la conscience ressent ce qui est invisible ou caché chez l’adversaire. Si ma conscience perçoit l’intention de l’adversaire, ma conscience sera en mesure de prévoir l’action à venir, de maîtriser la colère de l’autre et d’éviter de lui donner la mort. Le maître protège la Vie, l’ignorant la sacrifie en y cherchant la gloire.


Lumière et obscurité
Créent une opposition
Mais dépendent l’une de l’autre
Comme le pied avant et le pied arrière dans la marche.


Notre corps est dit matériel, matière vivante et notre esprit immatériel. Nous concluons que ces deux éléments  s’unissent pour nous donner naissance. Or, l’« esprit » est une activité cérébrale, nerveuse, un complexe réseau neuronal parcouru par un intense courant électrique. Les cellules de notre corps sont maintenues vivantes grâce aux activités du cerveau. Corps ne peut exister sans « esprit », l’esprit ne peut se manifester sans le corps.

Nous vivons dans un monde d’opposition et elle est notre réalité quotidienne. Notre cerveau décode le monde physique à partir de deux hémisphères dont chacun interprète le monde selon des mécanismes qui lui sont personnels. Si nous nous accommodons de ces oppositions, nous demeurons au plan élémentaire de la compréhension humaine. Il faut aller au-delà!

Les deux hémisphères, gauche et droit, nous révèlent le monde selon leur nature. Même si leur rôle est différent, logique vs intuition, analyse vs synthèse les deux sont nécessaires et l’individu ne peut pas fonctionner avec un seul. Ce qui saisit intuitivement l’hémisphère droit est récupéré par l’hémisphère gauche et pour être rendu intellectuellement intelligible. Dans notre fonctionnement quotidien l’intellect et la raison sont des instruments nécessaires; mais ils ne saisissent qu’une partie de la réalité. L’humain est un être multidimensionnel. Il a aussi besoin d’émotions, de créativité et de beauté. Son hémisphère droit gère la réalisation spirituelle.

Une autre perception erronée et diffusée par certaines doctrines est que l’humain est formé d’un corps mortel et d’une âme immortelle. Cette vision est étrange à un bouddhiste et conforme à l’adepte du Moyen-Orient. Pour le bouddhiste l’individu n’est ni l’un ou l’autre, mais les deux à la fois. Les sens physiques transmettent une information sur le monde extérieur et les différentes facettes de la conscience structurent ces données à partir des conceptions et des certitudes de l’individu. Or ces certitudes n’ont pas plus de réalité que les données.

Physique et esprit donnent l’illusion qu’ils sont en opposition. L’un ne peut exister sans l’autre. Pour authentifier la Vie, les deux concepts doivent s’interpénétrer jusqu’à la dissolution individuelle.

Le soutra Sandokai nous dirige vers un apprentissage enrichissant. Comme le sabre et moi sommes deux objets différents, SAN, par la pratique, ma conscience va absorber le sabre, il va devenir mon prolongement, plus de sabre, plus de moi, l’étape « DO » où les identité s’évanouissent et finalement cette expérience de fusion, d’« awaseru » va plonger ma conscience dans une nouvelle expérience, un nouvel éveil qui est le KAI.

Voir la définition du  Sandokai sur ce site : (lien manquant);

Dans un combat, où les sabres son dégainés, SAN identifie l’adversaire et moi, deux entités. Je peux me centrer sur l’adversaire et centrer mon attention sur ma détermination à le tuer. Si l’adversaire poursuit le même but, et que techniquement il est excellent, il y un risque que les deux combattants vont s’entretuer. Si l’adversaire est plus faible, je vais peut-être vaincre et si c’est lui qui est plus habile, je vais certainement mourir. Ici le combat gît au niveau de la conscience de l’animal humaine. Or si l’un des deux combattant jouit d’un esprit éclairé, humanisé et éclairé, il se dégagera de toutes intentions belliqueuses, calmera sa conscience et il s’ouvrira à son adversaire. Il s’agit ici d’accueillir l’autre sans préjugé et sans agressivité. Pour faire ainsi, il se positionnera de manière à assurer sa sécurité et celle de l’adversaire. Cette étape est DO : plus d’adversaire plus d’incitation au combat. Se porter à l’écoute de l’autre, laisser le Ki circuler d’une conscience à l’autre.

Les maîtres appelaient cet instant la garde sans ouverture. On ne parle pas ici d’ouverture technique, ou créer une ouverture en abaissant la pointe du sabre et provoquer chez l’adversaire une réponse immédiate pour qu’il tombe dans un piège mortel. Lorsque les deux adversaires se font face et que la conscience de l’adversaire ressent que la conscience de l’autre combattant l’enveloppe et qu’il est présent, qu’il occupe tout l’espace. Il n’y a pour lui aucune place où se déplacer, aucun moment pour attaquer. Il est vaincu avant la moindre action. Dans le Yagyu Shingake ryu, ce moment est dit « Muto » désarmer l’adversaire, lui « retirer son sabre au sens figuré. »

Réalisant intuitivement sa fragilité, l’adversaire va se désengager du combat. Cette étape est KAI. La conscience des deux combattants vient de muter à un autre niveau de perception intuitive de la Pajna, de la réalité derrière la réalité quotidienne. Prajna est la condition première au Satori, mais elle n’est pas encore Satori.


Tout ce qui existe
a son utilité.
Usez en comme il convient.
Phénomènes et essence s’ajustent,
c
omme la boîte et le couvercle.


La Vie ne peut exister sans la matière. La matière porte en elle une vie en potentielle. Car c’est en se greffant à la matière que la vie peut s’enraciner.

La Vie évolue en devenant de plus en plus diversifiée. C’est une façon d’assurer sa continuité et sa durée. Chacun de nous y puise ce dont il a besoin pour sa propre survie. Essence et existence sont intimement liées. L’un ne peut pas exister sans l’autre. La Vie est un privilège qu’il vous est donné, utilisez-la avec Sagesse. Si vous comprenez la valeur de la Vie, vous n’aurez pas besoin d’un après vie.

À la fin de notre vie, la seule chose qui nous survivra sera notre apport à la communauté. Nos œuvres survivent à travers les autres, et notre existence y prend tout son sens. Les œuvres artistiques continuent à vivre car elles répondent aux besoins humains, les grandes fortunes, tôt ou tard, s’évanouissent et elles disparaissent de l’humanité.

Le Kobudo a pour mission d’éveiller l’humain ordinaire à une réalité qu’il ignorait. Kobudo et Zen s’ajustent comme  boite et couvercle. « Un geste pensé est un geste manqué ». Répéter 1000 fois, 10 000 fois les mêmes gestes, les mêmes kata n’a rien d’inutile. Demandez à un potier! Ses mains encerclent la masse de glaise et il faut des milliers de tours de la pièce pour que jaillisse la pièce désirée. Il faut des milliers et des milliers de coupes dans le vide avec un sabre, pour que la conscience de l’individu puisse réaliser « awaseru » et laisser surgir Sandokai, ou le geste non pensé qui est le résultat d’une parfaite fusion de la conscience (ki), du sabre (ken) et du corps (tai).


Comme la rencontre de deux pointes de flèches.
Entendant ces mots
Comprenez le sens
Sans entrer dans vos conceptions personnelles.


Deux flèches tirées dans le ciel par des archers se faisant face, mais sans qu’ils ne se voient, ont autant de chance de se rencontrer en plein vol et de se heurter qu’un spermatozoïde à de chance à féconder l’ovule. Naître est un impensable privilège, une chance sur 300 millions. Acceptez et chérissez la vie qui vous est imposée; assumez-là jusqu’au bout. Vous êtes là pour enrichir la Vie et l’Humanité. Saisissez le sens profond du privilège qui vous est donné. Ce que vous en ferez deviendra le Karma de votre communauté, de votre société, de l’Humanité. Ce qui vous survie c’est ce que vous apportez aux autres. Le salut individuel, l’idée d’un paradis ou d’une meilleur réincarnation tient du fantasme et de l’ignorance. On ne cherche pas le satori pour sauver notre illusoire personne, mais pour enrichir et pousser plus avant la Conscience cosmique, la Vie et notre Humanité. La Voie Royale, le Mahayana, est dans une plus grande humanisation du collectif.

Au cours de la pratique, les deux combattants s’investissent dans un combat dont chaque geste, chaque attaque ou chaque défense trouve sa source de l’inconscient vers l’extérieur dans une technique précise. Dans une telle situation, un geste pensé, est un geste manqué.

Le satori s’éclate dans un moment spontané sans s’annoncer. Quand le fruit est mûr il se décroche et tombe. Dans le Kobudo cet instant nous éclaire sur le sens profond de ce qui nous motivait dans l’étude de notre art.


Si vous ne comprenez pas
La Voie qui se trouve sous vos pieds
Comment saurez-vous
Où vous marchez?


Nous pratiquons le kobudo et le zazen dans le seul but de nous aider à faire taire l’hémisphère gauche et à favoriser l’écoute de l’hémisphère droit. Dans la Vie comme dans la Mort, notre regard doit demeurer serein.

Hémisphère Droit est le centre des communications avec la Conscience Cosmique. Dans notre processus d’évolution, l’homo-sapien a fait des choix; il a favorisé l’usage de Hémisphère Gauche à celui de l’hémisphère droit. Si l’humain souhaite se réaliser totalement, il doit conquérir la dimension cosmique de son être.

Dans le Kobudo, nous commençons notre quête spirituelle en apprenant à respirer correctement, à marcher correctement, à ressentir, à centrer notre corps correctement et à nous déplacer correctement. Prendre conscience de notre corps, nous place en communion avec la Vie et en progressant, avec les autres. Notre perception doit déborder la vision limitée de notre personne et notre environnement pour embrasser le Cosmos. La conscience cosmique est la Conscience du Bouddha, de l’Éveillé. Par delà les cultures et les mythes culturels, au fond de chaque individu de cet Univers, gît un bouddha, un Éveillé. Quand nous marchons, il n’y a pas de pas droit, de pas gauche; nous marchons, nous nous déplaçons sans réfléchir à chacun de nos pas. Imaginez si un mille pattes devait réfléchir à chacun de ses pas! Si le corps est bien intégré à la conscience, il se déplace harmonieusement sans penser. L’harmonie naît du geste spontané. Un geste pensé, est un geste manqué. Dans la Voie martiale, le geste doit être spontané et harmonisé avec celui de l’adversaire, si non la mort sera  au bout du compte. Notre prochain est la porte d’accès à l’humanité et à l’Univers.


En avançant
Il n’est pas question
De proche et de lointain.
Mais dans la confusion
Montagnes et rivières
Barrent la route.


Le cheminement doit se faire « ici et maintenant » sans regarder au loin et analyser le chemin à parcourir ou regarder vers l’arrière pour apprécier le chemin parcouru. Il n’y a pas de récompense ou de trophées au bout du chemin. L’égo n’a pas de place où s’appuyer. Les obstacles ne sont pas sur la Voie, mais dans la perception erronée du pèlerin. Viens un moment salutaire où le pèlerin est écrasé sous le poids de ses préoccupations et de ses questionnements. Dans un geste de survie, le mental lâche prise et se rend à l’évidence qu’il ne peut tout contrôler. L’individu est libéré et il  peut maintenant marcher sur la Voie d’un pas léger.

Lors de la pratique des kata, les deux combattants s’avancent, armes dégagés et chacun est à l’écoute du moment propice pour déclencher son attaque. La perception doit s’appuyer sur le ressentit. Trop loin, le sabre coupera dans le vide et l’adversaire sera en mesure de riposter; trop près l’adversaire pourra soit bloquer l’attaque, soit l’esquiver et riposter sur la cible. Il y ici toute une stratégie que le combattant doit étudier et qui est en dehors de ce court exposé zen. La perception de la réalité est sujette aux jeux de l’esprit.


Vous qui étudiez le mystère de la Vie
Je vous en prie, ne gâchez pas le temps en vaines recherches ou en vous diluant dans des doctrines illusoires. Tout est ici et maintenant.


La Voie n’est pas un cheminement isolé de la Vie, mais un regard renouvelé sur le quotidien. La grande illusion est de croire que nous ne sommes qu’un individu isolé dans un corps de chair. L’esprit du Bouddha nous révèle que notre conscience et la Conscience Cosmique résonnent entrent-elles comme des diapasons en résonance. Suspendez à une ficelle plusieurs diapasons (humanité) de différentes tonalités

SAN : do, ré, mi, fa, sol, la, si, do.

Prenez et frappez un gros diapason RÉ (Univers).

Le son RÉ va surgir subitement du gros diapason, occuper l’espace et faire chanter tous les autres diapasons RÉ. Cette communication va faire en sorte que le chant de tous ces diapasons va occuper à l’unisson l’espace et vous ne pourrez plus discerner le chant RÉ de chaque individu. C’est le moment où l’individu perd son individualité et se fusionne à l’Univers. Quand les deux entités résonnent, les deux entités s’évanouissent et seul le son cosmique RÉ demeure : plus de conscience individuelle, plus de Conscience Cosmique; seul le chant de la Vie, de l’Univers.

DO L’individu devient la totalité, devient l’Univers. L’Univers est formé de chacune des tonalités, comme une symphonie cosmique. Chaque tonalité y trouve sa source et sa conscience. La nature sonore de chaque individu y trouve sa source originelle : toutes les différences, les individualités s’évanouissent. Après une telle expérience l’individu est « éveillé » à la conscience cosmique au Satori.

Lorsque cette « expérience de la globalité » a fait son œuvre, la conscience de l’individu a basculée et une réalité renouvelée se révèle à lui. Cette nouvelle conscience est KAI.

Fin

Ce texte d’analyse du Sandokai est protégé par les droits d’auteurs.
Ne peut être reproduit sans autorisation.
Réal Genest, 31 mars 2012.
Kaicho et Shihan du Sandokai Kobudo Shugyokai.

La transmission des Bujutsu, et des Kobudo

Depuis sa formation en tant qu’institution (1192), le Bujutsu japonais s’est de plus en plus décalé de la culture urbaine. Les arts militaires occupaient tout l’espace culturel. Les militaires s’étaient saisis du pouvoir politique, les grands clans gouvernaient dans différentes régions et le Mikado, l’Empereur et la noblesse étaient réduits à  un pouvoir symbolique. De plus, Tenno, l’Empereur exerçait et exerce encore aujourd’hui la fonction de Grand Prêtre, du Shintoïsme.

Entre le 12e siècle et le 17e siècle, les clans militaires, les Buke, vont se confronter et lutter pour le contrôle des régions et finalement pour la domination entière du Japon. La culture militaire s’étalera à travers l’étude et la pratique de 18 disciplines martiales, le Ju Happan.

Dans ses débuts, les arts militaires se transmettaient dans les familles et familles élargies, puis dans le clan. Les individus qui s’étaient distingués dans les combats, décrochés plusieurs victoires et qui étaient une source d’inspiration pour les jeunes des clans se voyaient offrir le poste d’instructeur quand ils décidaient de se retirer de la vie militaire.

L’expérience de ces guerriers, les Bushi, représentait une richesse culturelle sans prix. Non seulement, avaient-ils vécu la rigueur des champs de bataille, avec toutes leurs horreurs, mais leur survie des combats démontrait que ces survivants avaient compris certains aspects de la guerre et des affrontements armés qui échappaient à la vaste majorité des combattants ordinaire.

La puissance militaire apportait une certaine puissance politique aux clans. Or, la puissance militaire et combattive reposaient sur la formation et la qualité d’entrainement de ses jeunes guerriers bushi. Ce qui au début reposait sur l’expérience de quelques individus de marque, devint un système de formation entouré de secrets. La survie des membres du clan dépendait de leur capacité de ressentir le danger et de gérer la situation. Dans les bujutsu, arts martiaux, un affrontement menait presque toujours à la mort d’un des combattant. Ces arts étaient conçus de manière à rapidement éliminer un danger.

Les maîtres consignèrent leur expérience, leurs connaissances, leurs stratégies et leurs réflexions par écrit sur des makimono. Ces rouleaux devinrent les archives de l’école ou du Ryū. Quand un successeur à la tête de l’école était choisi, le maître transmettait à son disciple les secrets techniques et spirituels qui encadraient l’étude de cette école.

Des erreurs techniques étaient placées volontairement dans les makimono afin de confondre tout individu qui volerait ces documents et qui tenterait de s’approprier leur connaissance. Lors de la transmission orale, du Soke au Deshi, le maître instruisait son successeur sur les secrets du makimono et du Ryū.

« Contrairement aux idées reçues, les sciences exactes étaient déjà bien présentes à l’époque féodale japonaise. Très peu considérées au regard des études morales elles étaient pourtant indispensables aux samouraïs qui s’en servaient dans des domaines aussi variés que l’artillerie, la construction des châteaux, la topographie, l’astronomie, etc. Pourtant l’enseignement des Koryū (traditions antiques) n’a jamais été transmis sous un angle « scientifique » et « analytique » tel que ces notions sont communément admises en occident.

Bien entendu les bujutsu ont été créés à partir d’observations, d’analyses, de manière empirique. Mais si un ensemble de formes peut être étudié par l’analyse, ce qui fait leur efficacité ne peut être saisi dans son intégralité que par le ressenti. Le corps humain est une chose incroyablement complexe et l’efficacité d’un geste martial nécessite d’accomplir simultanément ou en décalé, dans des directions opposées ou unies, un nombre d’actions trop important pour que le cerveau puisse les coordonner consciemment. L’étude logique aboutit alors à une impasse dans la pratique, raison pour laquelle elle n’a jamais été utilisée par les bushis pour la transmission d’un enseignement qui leur était vital. Au contraire la transmission traditionnelle était axée sur le ressenti et l’intuition. Méthode d’enseignement parfaitement illustrée par l’expression « i shin den shin », d’âme à âme. Léo Tamaki, La transmission dans les arts martiaux

Cette expression issue du zen se traduit approximativement par « d’âme à âme » ou de « cœur à cœur ». Elle est l’illustration parfaite de l’enseignement non verbal qui est l’essence de la transmission de l’ensemble des « do », que cela soit en zen, chado, shodo, budo, etc. » Léo Tamaki, I shin den shin

Nous devons comprendre que les Bujutsu, arts martiaux d’avant Edo, sont dans leur esprit traditionnel un anachronisme à notre époque. L’homme moderne, est à la recherche de réponses et si les ryū féodaux refusent de s’assouplir et devenir des instruments vivants et dynamiques dans cette recherche, ils sont, comme les religions dogmatiques condamnés à disparaître. Plusieurs centaines de ryū ont déjà disparu ; peut-être ne répondaient-ils pas aux besoins des individus. Alors que d’autres ryū, se sont remis en question, ont remanié leurs structures et tout en conservant l’esprit traditionnel ils ont cherché à répondre aux besoins spirituels des individus. Ces bujutsu continuent à grandir et à transmettent un trésor culturel et spirituel qui enrichi l’individu qui s’y plonge.

Contrairement aux bujutsu, les kobudō sont une source infinie pour la réalisation intuitive et spirituelle de l’individu. Ceci dit, bien qu’ils soient un instrument fantastique pour répondre aux besoins existentiels de l’individu, encore faut-il que l’enseignant ait fait la démarche, le Michi, et en comprenne le Kokoro. Là, réside le profond secret du Kobudō, la connaissance des techniques n’est que la coquille de la discipline. L’ignorant se gave de techniques et se prive de l’essentiel. Les kobudō qui naquirent durant Edo, furent profondément influencés par la culture urbaine et le nouveau courant du Wáng Yángmíng 王陽明, Oyomei en japonais et qui centre sa recherche sur le développement de la créativité et de l’Intuition- Kan

Shihan

Dans les groupes traditionnels, les titres étaient simples : Sōke (宗家) celui qui transmet la tradition et Shihan (師範) professeur ou maître modèle ou phare, celui qui enseigne la tradition. De nos jours, l’individu qui a étudié un ryū complexe, c’est à dire une école qui est un jutsu et qui regroupe plusieurs disciplines doit détenir un Menkyō Kaiden pour transmettre une tradition de manière autorisée. Dans les kobudō, les voies martiales traditionnelles, comme le Iaido, le titre Shihan est une autorisation de transmission et une reconnaissance que ce professeur a étudié et qu’il connaît toutes les techniques et l’enseignement ésotérique du ryuha.

Les kobudō issu des écoles traditionnelles à partir de l’Ère Edo, 1617, n’ont aucun système de gradation kyu-Dan. Le maître, le Shihan va habituellement remettre un document écrit à l’élève qui a terminé l’étude et acquis la compétence technique du niveau Shoden, Chuden ou Okuden. Par la suite, l’élève se verra décerner le titre de professeur (Shihan) et l’autorisation de transmettre le corpus et l’esprit de l’École.

Les maîtres disent souvent : « Gaikoku no hitobito wa kobudo no Kokoro O rikaii suru no ga mutsukashi yo u desu (Pour la plupart des étrangers l’esprit du kobudō est difficile à saisir et à comprendre) »

La tradition passe du Kokoro du sensei au Kokoro de l’élève. Ce qui explique le constant refus des maîtres traditionnels à accepter de transmettre leur art à des occidentaux imbus de leur intellect et leur raison. Résultat, on dirige les  les étrangers « gaijin », vers les disciplines sportives. Tout ce qu’on exige d’eux c’est de la performance et en retour on leur donne de petits cadeaux qui les encouragent; des kyu et des dan.

Encore aujourd’hui, au Japon, les maîtres traditionnels enseignent à de petits groupes de quelques dizaines d’individus. La sélection est exigeante : il faut accepter et être prêt à remettre en question toutes ses convictions et ses perceptions. Il faut lâcher prise. Rien n’est plus incertain que le monde du Kobudō. Il faut retourner au premier enseignement du bouddha Sakyamuni pour en saisir toute l’immensité. L’Éveil spirituelle est l’étape ultime. ― Réal Genest Sensei

Origine des Arts martiaux japonais, Jutsu vs Do

Bujutsu : Arts martiaux
Bu : 武 définit le domaine militaire
Jutsu: 術 techniques, art,
Shi: 士 personne, Bushi 武 士, personne qui exerce le métier des armes, un membre de la classe des guerriers du 12 siècle. Le bujutsu était un système d’études et de formation conçu par des guerriers, pour des guerriers et réservé à cette confrérie de militaires. Un cursus d’études et de pratique de 18 disciplines veillait à la formation des bushis : Bugei juhappan (武芸十八). Cette structure militaire fut en vigueur jusqu’au lancement de l’ère Edo 1603-1867.

Kobudo; Voie martiale traditionnelle 古武道
Ko: 古 ancien, traditionnel, classique
Do: 道 voie, cheminement,
Avec l’arrivée d’Edo et de la famille Tokugawa, l’importance des guerriers va connaître un important recule. La démobilisation des nombreuses armées entraîna un chômage exacerbé par la pauvreté dans la profession militaire. Les membres de la classe des bugei occuperont les postes de gestionnaire dans le nouveau gouvernement. De la prédominance de la culture militaire, Edo verra s’épanouir la culture urbaine du peuple. La transition favorisera émergence d’une culture spirituelle et artistique. Le petit peuple va développer ses arts et aborder une réflexion spirituelle. On passera du « jutsu » au « do » : kenjutsu à kendo… Iai jutsu à Iaido, Bujutsu à Budo…

Budo : Voie martiale, 武道
Selon les textes anciens, le terme budō définissait la manière de gouverner le pays et la nation par un gouvernement militaire. Le guerrier était assujetti à un code éthique le Bushido 武士道, « La voie du guerrier ». Avec le temps, la voie du guerrier, qui entretient l’esprit du guerrier face à la mort deviendra un idéal de la nation. Dans la pratique du Kobudō, la recherche de l’esprit du guerrier deviendra une principale préoccupation. L’efficacité meurtrière des disciplines de combat se déplacera vers un épanouissement individuel axé sur un éveil spirituel, une fusion spirituelle avec le tout cosmique. Les courants du Zen, du Shintoïsme et le Confucianisme Oyomei, Wang Yang-ming inspireront les différents penseurs des ryū de cette ère de transition. L’intellect joue avec les concepts mais seule l’intuition « Kan » en comprend le sens profond. Une longue liste de maîtres d’arme orientera cette poussée esthétique et spirituelle.

Sports : Karate dō, judo, shinai geiko…
Dans la grande confusion du public au sujet des disciplines de combat japonaises il faut pointer des professeurs de disciplines japonaises ignorants de la culture japonaise et des médias d’information qui utilisent le termes « arts martiaux » à tort et à travers. Les disciplines nées à partir de l’ère Meiji, 1867, se regroupèrent dans les Voies martiales ou les sports de combat. Le Karate dō orienté vers une recherche spirituelle exclusivement est une Budo, alors que si la discipline devient un outil de compétition et qu’elle est centré sur les trophées, on parle ici de sport. Dans la voie du sabre le shinai geiko est une escrime sportive et il n’a aucune ressemblance avec le Kendo traditionnel. ― Réal Genest Sensei

Sandokai — 參同契

Il est dit que SANDOKAI est l’essence du Bouddhisme. Comprendre SANDOKAI, c’est accéder à la compréhension du Kobudô, les voies martiales traditionnelles japonaises. Or, les disciplines du Kobudô visent le même objectif que poursuivent les moines Zen : la réalisation spirituelle ou le « Satori ». Sans cette réalisation, la pratique d’une discipline du Kobudô n’est rien de plus qu’un jeu de situations, un théâtre de guerriers nostalgiques ou une rencontre de membres d’un club social orientalisant. Pour les occidentaux qui ignorent tout des éléments fondamentaux de la culture japonaise et de ses traditions, le Kobudô se déguise en « Arts martiaux » et l’exotisme du samurai vient exacerber leurs fantasmes de guerrier.

Sandokai n’est pas une discipline, c’est un instrument, c’est un phare sur la Voie. Sandokai indique la Voie à suivre; le disciple poursuit ses recherches. À travers l’étude et la pratique des disciplines du Jodo, du Kendo traditionnel et du Iaido, l’élève explore les aspects psychologiques et spirituels mis en lumière par Sandokai.

Ainsi, SAN regroupe nos perceptions habituelles et quotidiennes. Nous établissons qu’il y a nous et les autres. Il y a une différence, une distance entre les autres et nous. SAN est cette perception des différences qui nous laissent croire que nous sommes une entité dans un univers occupé par d’autres entités. Cette vision trompeuse nous amène à croire que nous sommes des entités isolées et auto-suffisantes. Notre croyance en une « âme » individuelle est le résultat d’une telle vision limitée. À partir d’une telle vision, notre conscience fragmentée évalue le monde et nos relations avec le monde.

Dans le Kobudô, la fragmentation de la réalité de SAN peut prendre plusieurs formes. On peut établir qu’il y a nous et notre partenaire d’entraînement ou il y a nous et l’arme avec laquelle nous nous entraînons. Dans la pratique du Kendo traditionnel, le Bokken, le sabre en bois, est une entité séparée de nous, en apparence. Tout l’entraînement de base vise à apprivoiser cet instrument et à faire en sorte qu’il fasse partie de nous qu’il soit le prolongement de notre corps.

Avec le temps et de la détermination, le corps accepte l’arme. Les différences disparaissent. Nous faisons « UN » avec notre arme. Durant la pratique, il arrive, à l’occasion, un moment où nous nous engageons dans une attaque et qu’à cet instant nous perdions toute notion de notre environnement, de notre arme et de nous-même. Durant une fraction de seconde ou un très court laps de temps nous n’avons plus conscience d’être en train de faire le mouvement et d’avoir en main le sabre. Habituellement, cet instant de parfaite symbiose est porté par un Kiai, un cri. Le cri a pour fonction de fusionner tous les éléments, l’esprit, le sabre et le corps dans un seul momentum. Dans l’attaque, il n’y a plus de conscience, il n’y a plus de sabre et nous perdons toute notion de notre être; ce qui s’exprime, c’est l’énergie des trois éléments, le Ki. Cet instant sublime porte le nom de DO. Il ne faut pas confondre ce DO et le « Dō » qui signifie la Voie, le cheminement.

Durant la phase DO, toutes les différences arbitraires s’évanouissent, l’individu est totalement centré, et non concentré, dans son geste. Il est à la fois le corps, la conscience ou l’énergie qui anime son corps et le but visé. Tout se passe comme si tous les divers éléments qui occupaient beaucoup de place dans son cerveau étaient compressés en un minuscule point. Les fonctions habituelles de l’hémisphère gauche de notre cerveau sont désactivées. Elles qui en temps normal occupent toute la place et qui se comportent comme si elles étaient les seules et les authentiques fonctions de l’esprit humain, elles se voient bloquées et elles deviennent simples spectatrices pendant que la pleine conscience cosmique de l’individu surgit de l’hémisphère droit et s’exprime dans un momentum parfait.

Cet espace, libéré de l’activité de la conscience fragmentée, laisse une place aux manifestations globalisantes de l’Intuition. L’individu prend conscience qu’il est l’énergie de son sabre, de son corps, de sa conscience et que ces diverses énergies sont la même énergie qui anime l’Univers et la Vie dans l’Univers. Le Satori peut être défini comme étant le moment où l’individu prend conscience qu’il n’est pas cette entité individuelle que sa conscience fragmentée lui a toujours laissé croire qu’il était, mais qu’il est cette énergie totale qui surgit de sa véritable conscience, à un moment, lorsque toutes les conditions sont réunies. L’entraînement vise à préparer l’individu et à réunir les conditions qui favoriseront l’éclatement de la coquille de l’individu et l’émergence de son énergie spirituelle.

Cet instant qui favorise l’émergence du « Satori » ou de la prise de « Kan », l’intuition cosmique est appelée l’Illumination spirituelle. Sa perception habituelle et limitée bascule et elle laisse la place à une vision nouvelle de sa relation avec la Vie, la Mort et l’Univers.

Quand l’expérience de l’action unifiée est terminée, l’individu revient à sa perception habituelle. Par l’entraînement soutenu et répété, l’expérience se manifeste plus fréquemment et la perception de la Réalité est plus stable et plus perspicace. Dans sa perception du monde quelque chose à l’intérieur de l’individu est changée. Ce nouveau regard est le KAI. SAN entre dans DO, c’est le KAI, l’individu renouvelé et global.

Dans la pratique du Kendo traditionnel, les maîtres disent souvent : il faut pratiquer KI-KEN -TAI no Ichi:

  1. KI : L’énergie vitale, la conscience, l’esprit, le « Feeling » …
  2. KEN : Sabre ou toute autre arme à l’extérieur de nous, celui dont on est séparé…
  3. TAI : Le corps physique et toutes les manifestations de ce corps : les mouvements, les déplacements…
  4. No Ichi : en un, unifiés, situation de symbiose…

La pratique du Kobudô, sous l’éclairage du Sandokai, crée une situation favorisant le développement intuitif de l’élève et une harmonie spirituelle avec la Vie. Le Kobudô enseigné selon l’essence du Zen amène l’individu à se réaliser spirituellement. Par-delà cette réalisation, rien n’existe.

Le monde du Budo était en ébullition, l’occident venait de découvrir certaines disciplines de combat. Dans les revues dites « spécialisées et à la télé, on y voyait américains vêtus de costumes loufoques et de très mauvais goût, s’affubler de titre de « Grand Maître » et faire la promotion du style qu’ils venaient de créer. Tout ce que véhiculaient le Kobudô et le Budo sur le plan culturel, moral et spirituel était occulté et remplacé par un cirque disgracieux et insultant. Les maîtres conclurent donc que les « gaijin » étaient incapables de comprendre le « Seishin » japonais. Un américain démontra avec élégance et puissance qu’un « gaijin » pouvait aller à la rencontre de ce trésor culturel et comprendre le « kokoro » japonais; monsieur Donn F. Draeger bouscula tous les préjugés entourant les « gaijin ». ― Réal Genest Sensei