Kendō traditionnel

La guerre a longtemps fait partie du quotidien des Japonais. Le kenjutsu (剣術), la pratique du sabre, faisait alors partie des techniques indispensables à tout guerrier.

Image ci-haut : Montage d’images illustrant Miyamoto Musashi, une des figures emblématiques du Japon, maître bushi, philosophe et le plus célèbre escrimeur de l’histoire du pays. Adepte du kenjutsu, jusqu’à l’âge de 29 ans, Musashi participa à une soixantaine de duels, la plupart avec un sabre en bois (bokken) alors que ses adversaires avaient de vrais sabres (nihonto).

Luc Vanasse et Patrick Weber exécutant un kata de kendō : Nanahonme

Le Japon entre ensuite dans une longue période de paix de plus ou moins 250 ans (ère Edo). De nouvelles techniques apparaissent alors et l’apprentissage des arts martiaux se concentre sur la connaissance des katas (enchainements de mouvements codifiés) qui se pratiquent au bokken (sabre en bois).

Dans les katas de kenjutsu, il est habituel que le kata se termine par un coup fatal pour un des combattants (satsujin no ken). Or en Kendō, on peut décrire la situation comme suit : Uchidachi provoque le combat. Shidachi se porte sur la défensive, contrôle la situation et il place Uchidachi dans une situation où il est impossible de continuer le combat.
Après une période de tension, Uchidachi doit se rendre à l’évidence qu’il ne peut vaincre et qu’il est préférable d’abandonner et de rengainer son sabre. Shidachi prend une position de domination, mais laisse son adversaire se retirer avec sa vie et son honneur. Cette attitude de gentilhomme caractérisait les guerriers du XVIIe siècle : katsujin no ken, le sabre qui donne la vie. Le samurai est d’autant plus grand, qu’il peut vaincre son adversaire sans avoir à prendre sa vie. La vie urbaine ne valorise plus et n’approuve plus la violence du champ de bataille. De plus, dans la nouvelle société d’Edo, l’idéal philosophique du Zen et du Confucianisme avait remplacé l’idéal de conquête des anciens guerriers.

Le Katsujin no ken deviendra le support à une nouvelle approche de l’étude du sabre. Tout en maintenant une recherche d’efficacité en situation de combat, le XVIIe siècle va voir s’élargir la fonction du sabre comme instrument de développement spirituel et culturel. L’étude des katas ne fera donc pas de vous un spécialiste du maniement du sabre, la pratique et l’étude des kata vous enseignera l’essentiel du DO 道

  • La relation avec l’autre;
  • Fonctionnement des mécanismes de perception;
  • Perception inconsciente et intuitive;
  • Principes fondamentaux du maniement du sabre;
  • L’art d’approcher l’autre;
  • Maîtriser son environnement immédiat;
  • Mise en éveil de certains mécanismes psychiques;
  • Découvrir le Zen dans le maniement du sabre;
  • Utilisation et raffinement du Zanshin.

Comme vous pouvez le voir il n’est pas question d’apprendre les méthodes raffinées du découpage en règle de votre adversaire, nous ne sommes pas en Kenjutsu. L’efficacité combative n’est pas notre priorité même si le jutsu offre une facette très intéressante de l’étude du sabre. Dans le DO nous préférons améliorer l’individu qui tient le sabre que d’approfondir la capacité du sabre.

Dans la Voie du sabre (Kendō), l’intérêt est dans l’attitude psychologique face à une mort possible : transcender la peur de la mort. Le guerrier qui a peur de la mort est déjà perdu. Aucune étude livresque et aucun raisonnement ne peuvent libérer l’individu de ses peurs. Seul un entraînement bien dirigé aboutit à une telle libération. Il faut expérimenter psychologiquement la menace de la mort et apprendre à domestiquer sa présence. Toute l’étude des disciplines des Voies Martiales doit se faire dans un état d’esprit qui nous fait côtoyer la mort. Si cette attitude n’y est pas, le pratiquant de la discipline exécute de belles techniques qui gonfleront d’orgueil son égo mais n’auront rien d’illuminant.

Dans une situation aussi ultime, il n’y a ni grade et ni trophée qui puissent assurer la victoire. Si l’Égo, entretenu et nourri par tous ces éléments artificiels, se manifeste le moindrement, c’est la mort certaine. Entre la vie et la mort, il n’y a pas de place pour le mort-né. Dans l’instant ultime, le guerrier doit s’en remettre à sa conscience cosmique. Toute la pratique des katas vise à développer cette capacité de passer d’un état de conscience individuelle à la conscience cosmique. Seul un cerveau longuement préparé peut exécuter ce changement dans une situation de vie et de mort.